December 30, 2024

  • 5 min

Qu'est-ce l'impact ?

Nino Gagnebien

Responsable du déploiement de Boussole

December 30, 2024

1. Introduction

Le mot impact est partout : impact environnemental, impact social, impact économique... Mais qu'entend-on réellement par "impact" ? Est-ce simplement un effet, une conséquence ? Ou existe-t-il une définition plus profonde, plus structurelle qui répond aux enjeux contemporains de notre société ? Dans un monde en quête de sens et de durabilité, comprendre et mesurer l'impact est devenu un enjeu clé pour les entreprises, les investisseurs, les décideurs publics et les citoyens. Cet article propose d’éclaircir ce terme, définir les concepts clés pour le comprendre et expliquer pourquoi il est crucial de le mesurer.

2. Plusieurs visions de l’impact

Le terme "impact" peut sembler évident à première vue, mais il cache une pluralité de sens.

  • Définition académique : Selon la théorie des programmes d'évaluation d’impact [1], l’impact désigne les changements attribuables directement à une intervention spécifique, distincts des tendances générales ou des effets externes non liés.
  • Définition pratique dans les entreprises : Pour le Global Impact Investing Network (GIIN), l’impact est l’effet tangible et mesurable d’une organisation sur des enjeux économiques, sociaux ou environnementaux, exprimé souvent à travers des indicateurs comme les émissions évitées ou les bénéficiaires touchés.
Notre définition : L'impact est une conséquence mesurable et durable d'une action ou d'un projet sur l’intérêt général, c’est-à-dire sur les individus, la société et/ou l'environnement, prenant en compte à la fois les effets positifs et négatifs.

Cette définition repose sur plusieurs principes :

  1. Mesurabilité : Un impact doit pouvoir être quantifié ou qualifié avec des données objectives.
  2. Durabilité : L'impact ne se limite pas aux effets immédiats mais considère les conséquences sur le long terme.
  3. Multi-dimensionnalisé : La notion d'impact ne peut se réduire à une seule dimension, elle recouvre les effets de plusieurs natures : économique, sociale, environnementale, culturelle.
  4. Impact positif vs impact négatif : Un effet peut être bénéfique pour certaines populations ou sur certaines dimensions (impact positif) et/ou nuisible pour d'autres (impact négatif).
  5. Impact net : L'impact net d'un projet ou d'une action est la différence entre ses impacts positifs et ses impacts négatifs.
  6. Additionnalité : L'additionnalité répond à une question simple : l’impact observé aurait-il eu lieu sans cette action ? L’impact doit refléter les changements qui n’auraient pas eu lieu sans l’action effectuée

3. Pourquoi mesurer l'impact ?

La mesure de l’impact est bien plus qu’un simple outil d’évaluation ; c’est une démarche éthique et stratégique qui transforme la manière dont une organisation opère et crée de la valeur. Elle permet d’aligner les actions sur les enjeux sociaux et environnementaux tout en renforçant l’efficacité des décisions. Voici les principales raisons de mesurer l’impact, enrichies de nouvelles perspectives issues des meilleures pratiques.

a) Donner un sens aux ressources investies

Les ressources – qu’elles soient financières, humaines ou matérielles – sont limitées. Une organisation doit donc s’assurer que chaque euro investi ou chaque heure passée contribue directement à des résultats mesurables et significatifs. Mesurer l’impact permet d’identifier les initiatives les plus efficaces pour orienter ces ressources vers les projets qui génèrent le plus d’effets positifs tout en minimisant les externalités négatives. C’est un moyen concret d’aligner les investissements avec les objectifs sociaux et environnementaux visés.

Exemple : Un fonds d’investissement à impact, comme Alter Equity, utilise des indicateurs rigoureux pour évaluer les retombées sociales et environnementales des projets financés. En mesurant des données précises, telles que le nombre d’emplois locaux créés ou les tonnes de CO₂ évitées, il oriente ses investissements vers des projets offrant le meilleur retour sociétal et environnemental.

b) Prendre des décisions éclairées

La mesure de l’impact offre des données tangibles qui orientent les décisions stratégiques. Cela permet de prioriser les projets à fort potentiel, d’ajuster les initiatives existantes et d’anticiper les risques et opportunités.

Exemple : La startup Too Good To Go, qui lutte contre le gaspillage alimentaire, a adapté son modèle en s’appuyant sur des mesures précises : elle suit les tonnes de nourriture sauvées, les émissions de CO₂ évitées et le nombre de commerces partenaires. Ces données permettent d’identifier les zones géographiques où l’impact pourrait être encore amplifié.

c) Créer de la valeur durable

Mesurer l’impact, ce n’est pas simplement compter des chiffres : c’est contribuer activement à un changement global. En démontrant comment leurs actions participent à la résolution des défis sociaux et environnementaux, les organisations renforcent leur mission, leurs valeurs et leur légitimité.

Exemple : La coopérative Enercoop, spécialisée dans les énergies renouvelables, mesure son impact en termes d’économies d’énergie générées et de transition énergétique locale. Cette évaluation continue l’aide à ajuster ses modèles pour amplifier son rôle dans la lutte contre le changement climatique.

d) Renforcer la crédibilité et la confiance

Pour les parties prenantes – qu’il s’agisse de clients, d’investisseurs, de collaborateurs ou de citoyens –, la transparence sur l’impact des actions menées est un gage de confiance. Cela constitue également un avantage concurrentiel dans un contexte où les attentes sociétales sont en forte croissance.

Exemple : Le label B Corp exige des entreprises certifiées qu’elles mesurent et communiquent leur impact. Patagonia, par exemple, publie des rapports détaillés sur ses impacts environnementaux et sociaux, ce qui renforce son image de leader engagé et lui permet de fidéliser une communauté de consommateurs exigeants.

e) Rendre les projets plus résilients

Mesurer son impact aide à anticiper les risques, qu’ils soient financiers, opérationnels ou liés à la réputation. En comprenant précisément les effets de leurs actions, les organisations peuvent mieux gérer les imprévus et s’adapter aux changements.

Exemple : Lors de la pandémie de COVID-19, des associations comme Emmaüs ont utilisé des outils de mesure de leur impact pour redéployer leurs actions vers les publics les plus fragilisés, s’assurant ainsi de maintenir leur mission sociale malgré des contraintes opérationnelles inédites.

f) Mobiliser et inspirer les parties prenantes

La mesure de l’impact est un formidable outil pour fédérer autour d’une vision commune. Les résultats concrets obtenus motivent les collaborateurs, rassurent les investisseurs et inspirent le grand public.

Exemple : L’entreprise sociale Ticket for Change publie régulièrement des données sur les entrepreneurs qu’elle forme et les emplois créés grâce à ses programmes. Ces chiffres permettent de mobiliser des partenaires et de démontrer la portée de ses actions, tout en inspirant de nouvelles vocations.

Ainsi, mesurer l’impact, c’est poser un regard critique et constructif sur ses actions pour mieux comprendre, agir et transformer. C’est un acte de responsabilité, mais aussi une opportunité unique de devenir un acteur clé des transitions sociales et environnementales. Que ce soit pour allouer efficacement des ressources, prendre des décisions stratégiques, ou encore mobiliser autour d’une vision, la mesure de l’impact est indispensable dans un monde où performance et contribution sociétale ne font plus qu’un.

4. Des outils clés pour comprendre et mesurer l’impact

Pour mesurer l’impact de manière rigoureuse, il est essentiel d’utiliser des outils et des cadres méthodologiques adaptés. Ces derniers permettent de structurer les analyses, de suivre les progrès et d’orienter les décisions stratégiques. Voici trois piliers essentiels pour comprendre et mesurer l’impact.

a) Théorie du changement

La théorie du changement est un cadre stratégique qui aide à articuler comment et pourquoi une intervention donnée génère des résultats attendus. Elle repose sur la mise en lien entre des actions spécifiques, les résultats qu'elles produisent à court terme, et les impacts souhaités à long terme.

Exemple : Une ONG qui lutte contre la pauvreté via l’accès à l’éducation peut construire une théorie du changement comme suit :

  • Hypothèses clés ou convictions : Une meilleure éducation mène à une employabilité accrue, ce qui améliore les revenus des familles.
  • Objectif final : Réduire la pauvreté dans une communauté donnée.
  • Étapes nécessaires : Fournir des bourses, former les enseignants, construire des infrastructures scolaires.
  • Résultats mesurables : Augmentation du taux de scolarisation de 30 %, amélioration des scores aux examens de 20 %.

La validation de ces hypothèses grâce aux données permet de s’assurer que l’intervention a les effets escomptés.

b) Indicateurs de performance clés (KPI)

Les indicateurs de performance clés (Key Performance Indicators) sont essentiels pour mesurer les progrès réalisés. Ils doivent être spécifiques, mesurables, atteignables, pertinents et temporels (principe SMART). Ces métriques peuvent être quantitatives (par ex. tonnes de CO₂ évitées) ou qualitatives (par ex. satisfaction des bénéficiaires) et de nature environnementale, sociale ou économique.

Exemple : Une entreprise déployant un programme de recyclage pourrait utiliser les KPI suivants :

  • Quantitatifs :
    • Pourcentage de matériaux recyclés dans la production totale (par ex. 50 % en 2025).
    • Réduction des déchets envoyés en décharge (par ex. 100 tonnes/an).
  • Qualitatifs :
    • Niveau d'engagement des employés dans les programmes de recyclage (par ex. via des enquêtes).

Ces indicateurs permettent d’identifier les points forts et les domaines d’amélioration, garantissant ainsi l’efficacité des actions.

c) Cadres normatifs

Les cadres normatifs constituent des outils essentiels pour aligner les initiatives sur des objectifs partagés, en assurant comparabilité et reconnaissance internationale. Cependant, ils sont très nombreux, souvent spécifiques à des industries, des métiers ou des contextes géographiques. Par ailleurs, des efforts sont en cours pour développer des cadres universels, mais aucun standard globalement reconnu ne s'est encore imposé.

Certains cadres sont particulièrement adaptés à des secteurs ou domaines spécifiques. Par exemple :

  • Sustainable Finance Disclosure Regulation (SFDR) : Cadre européen pour la finance durable, structurant la classification des produits financiers en fonction de leur alignement avec des critères de durabilité (articles 6, 8 ou 9).
  • ISO 14001 : Norme pour la gestion environnementale, très utilisée dans l’industrie.
  • Accountability Framework Initiative (AFi) : Pour guider les entreprises dans l'élimination de la déforestation et du respect des droits humains dans leurs chaînes d'approvisionnement.

D’autres visent une application plus générale et sont souvent utilisés pour structurer des analyses multisectorielles :

  • Objectifs de Développement Durable (ODD) : Les 17 ODD définis par l’ONU constituent une référence majeure, chaque objectif étant accompagné de cibles et d’indicateurs spécifiques.
  • Protocole GHG : Cadre mondialement reconnu pour mesurer les émissions de gaz à effet de serre, avec ses trois niveaux d'émissions (scopes 1, 2 et 3).
  • Global Reporting Initiative (GRI) : Référence pour les rapports de durabilité couvrant des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG).
  • Normes de l’Impact Management Project (IMP) : Classification des impacts en fonction de leur contribution (positifs, négatifs, etc.).
  • Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) : Ce cadre européen, en voie de devenir incontournable, imposera dès 2024 des exigences strictes en matière de reporting de durabilité, incluant des données standardisées et auditées.

Malgré ces efforts, la diversité des cadres peut compliquer la mise en œuvre pour les organisations, en particulier celles opérant dans des environnements multisectoriels ou globaux. Des initiatives comme la CSRD en Europe représentent toutefois des avancées majeures vers une standardisation renforcée.

5. Conclusion

L’impact est bien plus qu’un mot ou un concept abstrait : c’est une boussole pour guider les organisations vers des décisions alignées avec les enjeux sociaux et environnementaux de notre époque. Mesurer l’impact, c’est transformer des visions en réalités tangibles, c’est évaluer l’héritage que nous laissons aux générations futures. Que vous soyez entrepreneur, investisseur ou citoyen engagé, intégrer la mesure de l’impact dans votre démarche n’est pas une option, mais une nécessité.

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  1. Gertler, Paul J.; Martinez, Sebastian; Premand, Patrick; Rawlings, Laura B.; Vermeersch, Christel M. J.. 2016. Impact Evaluation in Practice, Second Edition. http://hdl.handle.net/10986/25030

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